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René Mertzig
René Mertzig - Portrait Editeur: Noise Watchers Pays: Luxembourg Année: 2010 Les deux trios en Mi (1951) et en La (1955) de René Mertzig sont le témoignage d'une époque où la Villa Louvigny - siège de l'orchestre de RTL - était pratiquement le seul lieu de création de musique dite sérieuse à Luxembourg. Lieu magique et propice, l'auditoire au parc du Centre-Ville était un lieu de rencontre de grands artistes et de musique vivante, en même temps que la scène d'un petit cercle d'amis, dont René Mertzig. Conscients de la valeur de ces oeuvres d'une époque révolue, nous sommes contents de rendre accessible au plus large public un bout d'histoire de la musique du Grand-Duché. Puisse cet enregistrement trouver l'intérêt des mélomanes, mais aussi celui des interprêtes de générations futures! (Claude Lenners) Les interprètes
Enregistré en novembre 2009 au Conservatoire de Luxembourg
Prise de son et mastering : Jeannot Nies
Montage : Arthur Stammet
Direction artistique : Claude Lenners
Editions Noise Watchers
now@pt.lu - www.nowa.lu
Copyright Février 2010
NoWa 20100220CDA
Informations complémentaires
Les interprêtes
VANIA LECUIT
Vania Lecuit a reçu ses premières impressions musicales au Conservatoire de Luxembourg. Très tôt elle participe avec succès aux Concours internationaux pour la jeunesse (UFAM,Bellan,Nerini...). Après le baccalauréat elle poursuit ses études musicales au Consevatoire supérieur de Bruxelles (classe du professeur A. Leon Ara) où elle obtient le 1er prix et le diplôme supérieur de violon avec grande distinction. De 1992 à 1995 elle est boursière à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth où elle se perfectionne sous la direction du célèbre violoniste hongrois André Gertler. Elle obtient en 1995 le " graduat " avec virtuosité et grande distinction. Depuis 1995 Vania Lecuit est professeur de violon au Conservatoire de la Ville de Luxembourg. Elle est lauréate de plusieurs concours internationaux et elle joue de nombreux concerts en soliste avec orchestre ou dans différentes formations de musique de chambre dans toute l'Europe. Elle s'intéresse à l'interprétation de la musique contemporaine et fut une des révélations de la presse aux World Music Days.
MARTINE SCHAACK
Martine Schaack, piano, est née à Esch-sur-Alzette. Elle a étudié à la Musikhochschule de Cologne auprès du professeur Klaus Oldemeyer et des membres du Quatuor Amadeus. Elle s'est perfectionnée auprès du professeur Udo Falkner à Düsseldorf ainsi qu'en participant aux cours d'été de l'Academia Chigiana à Sienne (classe du prof. Guido Agosti). Depuis 1987 Martine Schaack est professeur de piano au Conservatoire de Luxembourg. Elle voue un intérêt particulier à la musique contemporaine et à la musique de chambre. Depuis 1986 elle joue en duo avec le violoncelliste Henri Foehr, avec lequel elle a enregistré un CD intitulé "Le Chant du Cygne de Gabriel Fauré" consacré aux sonates pour violoncelle et piano ainsi qu'au trio de ce compositeur.
HENRI FOEHR
Henri Foehr, violoncelle, est né le 21 avril 1958 à Luxembourg. Après ses débuts au Conservatoire de Luxembourg, il a fait ses études à la Musikhochschule de Cologne avec les professeurs Paul Szabo (Quatuor Vegh) et Erling Blondal Bengtsson pour le violoncelle, ainsi qu'avec les membres du Quatuor Amadeus pour la musique de chambre. Il a d'abord usé ses fonds de culotte en jouant les 'Quatre Saisons' de Vivaldi dans les Caraïbes, l'Afrique du Nord, l'Amérique profonde et un peu partout en Europe avec l'Orchestre de Chambre de Heidelberg. Il s'est par la suite orienté vers la musique contemporaine et a été sociétaire de l'Ensemble Modern de Francfort de 1985 à 1988. Membre de l'Orchestre Symphonique de RTL de 1989 à 2001, il est depuis 1991 professeur de musique de chambre et de violoncelle au Conservatoire de la Ville de Luxembourg.
Titres
Trio n°1 en Mi (1951)
1: Brillant et agité [5:50]
2: Grave [9:20]
3: Allegro assai [6:45]
Trio n°2 en La (1955)
4: Pesante e marcato [7:53]
5: Assez lent [8:35]
6: Vif et rythmé [7:45]</b>
René Mertzig (1911-1986) - Un homme, un musicien, un compositeur
Guy Wagner
L'HOMME
René Mertzig était une personnalité remarquable. Déjà son profil avec le front haut et rapidement dégarni, le nez aquilin, qui s'est adouci au cours des dernières années de sa vie, les lèvres le plus souvent serrées, mais ne pouvant cacher un trait d'ironie et de sarcasme, en ont dit long sur la droiture et la cohérence de sa forte personnalité. La tolérance et la solidarité qui le distinguaient en tant que membre de la Grande Loge du Luxembourg, il les a mises au service de la musique, y compris celle de ses collègues. Cependant, pendant pratiquement toute sa vie il avait à souffrir du fait que la musique dite sérieuse et son propre travail créateur aient été trop peu perçus et estimés. Ouvert et réceptif, mais aussi critique et autocritique, il ne s'est jamais gêné de dire ce qu'il pensait et de défendre la vérité, telle qu'il la ressentait.
En même temps, il vivait le dilemme typique des compositeurs luxembourgeois partagés entre les influences venues de l'autre côté de la Moselle et celles qui nous arrivent de France.
René Mertzig a été sans aucun doute possible l'un des véritables pionniers de la musique sérieuse dans notre pays et il est à juste titre considéré comme le plus important des compositeurs luxembourgeois de la première génération. Son influence sur le développement de la musique symphonique et de la musique de chambre a été d'une importance capitale et ne saurait plus être surestimée.
LE MUSICIEN
René Mertzig est né, le 11 août 1911, à Colmar-Berg. Grâce à son père, Pierre, qui a dirigé des harmonies et fanfares pendant des décennies dans le nord et le centre du pays, René a été en contact précoce avec la musique, et cela à travers ce qui était le plus proche, à savoir le chant dans la chorale d'Eglise. La musique grégorienne l'a fortement impressionné, et son influence allait perdurer toute sa vie. René a reçu ses premières leçons de solfège, de violon et de piano au Conservatoire de la capitale, puis il a continué ces études au Conservatoire Royal de Bruxelles, où il s'est principalement orienté vers la composition. Plus tard, il a souligné à maintes reprises combien importants ont été pour lui le " Traité d'instrumentation " de Richard Strauss et la musique colorée de Rimski-Korsakov,... jusqu'à ce que lui aussi soit pris dans le tourbillon de la dichotomie susmentionnée : ce furent Debussy et Ravel et leurs successeurs qui allaient l'influencer profondément.
Après avoir terminé avec succès ses études à Bruxelles, il a postulé pour un emploi dans le nouvel Orchestre Symphonique de Radio Luxembourg. Au début, il y a travaillé comme violoniste et plus tard comme pianiste attitré de l'orchestre dont il a fait partie pendant plus de 40 ans : encore un aspect de sa loyauté et de sa fidélité, bien qu'il se soit à plusieurs reprises plaint de la corvée journalière qui l'empêchait de faire ce qu'il aurait aimé, à savoir, composer. Composer, oui, mais pour qui? Qui a alors joué de la musique de compositeurs luxembourgeois?
Voilà pourquoi lui-même s'est mis ensemble avec des amis et qu'il a été souvent l'interprète au piano de ses propres œuvres mais également de compositions de collègues " d'infortune ". C'était ce destin qui l'a aussi poussé à prendre un certain nombre d'initiatives visant à une plus large diffusion de la musique luxembourgeoise.
Avec son ami Léon Blasen, il a introduit à Radio Lëtzebuerg la proposition de présenter régulièrement dans l'émission " Musék vu gëschter an haut / Musique d'hier et d'aujourd'hui " des oeuvres de compositeurs autochtones. C'est ainsi que, selon le témoignage de Blasen, 105 œuvres symphoniques ont été présentées à l'audience publique pendant les 30 ans qu'a duré l'émission.
Peu de temps après la Deuxième Guerre Mondiale, Mertzig avait créé avec Carlo Kaufhold, violoniste, et Camille Beicht, violoncelliste, le " Trio Luxembourgeois ", dont les activités n'allaient pas se limiter à la capitale, mais qui donnait des concerts de musique de chambre dans tout le pays et même au-delà de nos frontières.
Une autre initiative intéressante revient également à René Mertzig, à savoir, la création de la " Chambre Syndicale des Arts et des Lettres " qu'il a fondée en 1952 avec le sculpteur Lucien Wercollier, le collègue compositeur Jules Kruger, le graphiste et éditeur des " Cahiers Luxembourgeois " Raymon Mehlen, l'architecte et écrivain Camille Frieden, le journaliste Matthias Guillaume et d'autres.
En 1955, il a de plus fondé la " Société nationale pour la propagation de la musique symphonique " qui a fourni une importante contribution à la promotion de la musique contemporaine et a créé de nombreuses oeuvres de compositeurs luxembourgeois et belges.
Toutes ces initiatives étaient destinées à sortir le Luxembourg de sa léthargie et de sa sclérose. Cependant, elles ne trouvaient pas l'appui officiel requis et se sont effondrées quelque temps plus tard, ce qui a finalement conduit René Mertzig à une résignation fatale : Quand en 1976, il a pris sa retraite de l'Orchestre de Radio Luxembourg, il avait déjà cessé de composer depuis huit ans.
LE COMPOSITEUR
À 31 ans, en l'an 1942, René Mertzig écrivit sa première grande œuvre ses "Quatre mélodies, pour baryton et orchestre.
En 1945/46 il composa " Poème ", une œuvre en quatre parties liées aux quatre saisons. Dans cette partition, la tension créatrice entre les éléments appris et la contribution personnelle constitue la véritable nouveauté : décidément, Mertzig est à la recherche d'une écriture propre.
Celle-ci se consolide à partir de 1947 dans les " Trois Mélodies " pour voix basse et orchestre. Elles mettent principalement en évidence les couleurs orchestrales et la subtile faculté créatrice du compositeur.
Cette faculté s'exprime mieux encore dans la " Rhapsodie chorégraphique " de la même année. Il s'agit d'une fantaisie de ballet sur trois formes de danse : la valse viennoise, une danse espagnole et une danse slave qui sont reliées entre elles par les sonorités extrêmement délicates et sensibles que Mertzig sait générer.
Ce sont précisément ces couleurs sonores qui caractérisent également le " Cycle symphonique " (1950/51), caractérisé à juste titre par Léon Blasen, l'un des meilleurs connaisseurs de l'œuvre de son ami Mertzig, comme l'œuvre d'une "période transitoire". Avec elle, toutefois, le compositeur a atteint un sommet dans l'art de l'instrumentation.
Comme contrepartie à ce travail extériorisé, apparaît peu de temps après, en 1951, un " Trio en mi " pour piano, violon et violoncelle qui est une de ses compositions les plus intenses et sensibles. À nouveau comme contrepoint à cette musique-là, Mertzig est à la recherche de la grande forme : Il sera le premier à écrire un opéra avec ballet, " Lëtzebuerger Rousen " (1951-52), dont la composante de base est le lyrisme. Toutefois, les tentatives de produire l'œuvre ont jusqu'à présent échoué à cause du livret trop faible et trop banal. Afin de pouvoir réussir une production, il faudrait d'abord quelqu'un qui se mette à rendre l'action plus intelligente et les textes plus sensés.
Une deuxième phase dans l'œuvre créatrice de Mertzig peut être déterminée avec la " Symphonie des Impressions Vives " (1953-54), partition avec laquelle le compositeur a manifestement trouvé sa voie et son style : ils sont fondés sur le respect de la tradition musicale, tant en ce qui concerne les formes que les limites de la tonalité. Mertzig n'a jamais voulu être un révolutionnaire, ni un innovateur à tout prix, surtout pas au prix de l'honnêteté et de l'authenticité. Et c'est bien l'honnêteté caractérisant son œuvre qui en fait la force.
Ici, on se doit de le citer lui-même : " On peut être d'accord ou non avec Schönberg et ses disciples, on peut adopter ce système ou le rejeter, tout cela ne représente que des "moyens", mais non un "but". Et ce but, je voudrais le définir en citant cette phrase d'Alain: <Il ne suffit pas de dire que la musique exprime les sentiments, il faudrait dire qu'elle les fait.>"
Les œuvres suivantes éclaircissent sa façon de travailler d'apparence dialectique, oscillant entre la quête de sons expressifs et la recherche d'une abstraction toujours grandissante : Logiquement il existe ainsi deux versions différentes de " La Cité éblouissante ", composée en 1954, à savoir une " Suite enfantine " pour Quintette à clarinettes et une " Sérénade " pour huit instruments, visant à obtenir des effets sonores très particuliers. La voie de l'intériorisation et de l'abstraction conduit Mertzig en 1955 au " Deuxième Trio en la " pour piano, violon et violoncelle qui pose les plus hautes exigences aux interprètes et au public, ainsi qu'aux " Trois Esquisses " pour orchestre à cordes.
Elle trouve son accomplissement dans le " Quatuor à cordes " de 1961. Sa richesse tant polyphonique que rythmique et sonore ont fait que des experts comme Loll Weber le considèrent comme le " chef-d'œuvre absolu de la production musicale nationale "! Ces créations sont précédées de deux compositions ayant pour base des textes d'Edmond Dune que l'on est enfin en train de redécouvrir : " Enfantines. Poèmes pour récitant et orchestre. " Huit poèmes en prose y alternent avec huit morceaux de musique qui montrent clairement la signature si personnelle de Mertzig. À peu près à la même époque (1958 / 9), le compositeur écrit " Le Tambourin et la guitare ", un " Quatuor dramatique pour quatre personnages, tambourin et guitare ". Les quatre personnages sont le temps, la vie, l'homme et la femme : le tout devient ainsi une interrogation obsédante sur l'existence humaine.
À partir de 1962, le travail de Mertzig tourne davantage encore autour d'un nouveau sens à donner à des formes anciennes et des rythmes précis. Dans la suite pour orchestre " Rythmes souverains ", il réalise, grâce à une structure rythmique de base, l'union de pièces conçues de façon très différente.
En 1963, naît un " Morceau de concert " pour trombone et orchestre, dans lequel Mertzig place l'instrument soliste sur un niveau d'égalité avec les instruments de l'orchestre et réalise de nouvelles formes de " dialogue " entre le soliste et les musiciens de l'ensemble orchestral.
Sa " Synthèse symphonique " de 1964 devient alors effectivement la synthèse de ses pensées musicales : Des moyens instrumentaux utilisés de façon très précise réalisent des couleurs sonores instrumentales qui explicitent à leur tour des contenus, tandis que l'accent est mis sur un développement mélodique subtil porté par des structures harmoniques et rythmiques impressionnantes. Une ultime œuvre est réalisée en 1968 : Les " Estampes " pour voix de basse solo et orchestre en quatre mouvements. Le compositeur évite tout effet qui lui paraîtrait " bon marché ", et même la plus forte explosion orchestrale est encore atténuée. On pourrait appliquer à cette musique la formule de Winckelmann " noble simplicité et calme grandeur " pour en caractériser l'attitude fondamentale. Ensuite, René Mertzig s'est tu, et les années suivantes le confirmèrent dans sa résignation. Ce fut donc pour lui une grande satisfaction de se rendre compte de la dynamique créée par les impulsions du ministre de la Culture Robert Krieps pour la scène musicale du Luxembourg, la fondation d'une section nationale de l'INGM et de nombreux ensembles qui n'hésitèrent plus à programmer de la musique de compositeurs du pays. Il a dû ressentir également comme une consolation qu'à la fin de sa vie, il ait obtenu les honneurs et la reconnaissance qu'il avait mérités depuis si longtemps.
Silencieusement et discrètement, il nous a quittés, le 17 septembre 1986 à Meaux (France). Son œuvre nous reste, et son importance va continuer à croître. Qu'elle nous soit testament et impulsion.
BRÈVES RÉFÉRENCES
Léon Blasen : Lëtzebuerger Komponisten. Télécran-Serie, 1984-1985
Léon Blasen : René Mertzig und sein Werk. Les Cahiers luxembourgeois, n° 1, 1992
Marc Jeck : A propos... Klassische Musik in Luxemburg. Service Information et Presse, 2009
Guy Wagner : Luxemburger Komponisten heute. Editions Phi, 1985
Guy Wagner : Réflexions sur la création musicale au Luxembourg. Forum 12/1996
Loll Weber : Mes oeuvres, c'est toute ma vie... Nos Cahiers n° 1, 1982
A la découverte des trois à clavier de René Mertzig...
Henri Foehr
En feuilletant la partition du 1er trio en mi de René Mertzig, le lecteur se voit transporté en arrière dans le temps. A d'autres occasions, il a déjà rencontré cette écriture fine, fugace mais propre de la partition manuscrite qu'il a sous les yeux. Ce n'est pas celle du compositeur; il la reconnaît comme étant celle du bibliothécaire-copiste de l'Orchestre Symphonique de RTL de l'époque, Jean Bassing. Un temps où n'existaient ni photocopieuses, ni logiciels d'écriture musicale et où le valeureux copiste, de sa plume calligraphique, jetait en un clin d'oeil des oeuvres entières sur papier. Depuis, bien sûr, des copies ont été tirées du manuscrit original, ont passé d'une main à l'autre et, au fur et à mesure, l'ouvrage de Monsieur Bassing a été quelque peu enseveli sous des strates de doigtés et d'annotations. La plupart du temps, on ne sait rien de leurs auteurs, ni de leur bien-fondé. Et même si on contemple avec une émotion certaine ce concentré du travail de nos aînés sur le texte, on se prend à rêver d'une édition imprimée fiable qui assurerait un accès plus facile ainsi qu'une diffusion plus large à ce chef-d'œuvre de notre patrimoine.
En déchiffrant ensuite ce trio datant de 1951, le musicien est frappé par sa facture "patchwork": le premier mouvement ouvre sur un thème pentatonique qui n'est pas sans rappeler la musique chinoise (dans la réexposition cette "chinoiserie" sera plus patente encore, presque caricaturale). Il enchaîne sur un second sujet bucolique. Plus loin le caractère incongru et grotesque d'un dialogue en pizzicato de violon et violoncelle contribue à l'impression de "rapiéçage" (bien sûr sans la connotation péjorative du terme!). Mais c'est la citation de la fameuse chanson Marlbrough s'en va-t-en guerre qui nous interpelle particulièrement: le caractère allègre et moqueur de la chanson reçoit un bémol final (au sens propre comme au figuré) pour terminer en si bémol mineur.
Malbrough s'en va-t-en guerre, ne sait quand reviendra. Chinoiseries, Marlbrough ? Le compositeur aurait-il fait allusion à des évènements qui agitèrent la société luxembourgeoise de l'époque, à savoir l'engagement de volontaires luxembourgeois dans la guerre de Corée (1950-1953)? Ou, plus prosaïquement, aurait-il cité D'Meedche vu Götzen avec sa mélodie identique? Nous n'en saurons rien. Les quelques publications consultées à la BNL nous renseignent sur la vie professionnelle et sur la production de Mertzig, mais très peu sur l'homme et ses idées.
Malgré son matériau hétéroclite, le Trio en mi ne se désagrège pas. On sent la "patte" d'un compositeur-interprète qui connaît son métier. Et on ne prendra que modérément au sérieux la formule à l'emporte-pièce de Mertzig qui, dans un entretien, déclarait: "Komposition soll man nicht zu gründlich lernen, sonst kann dieses Studium später zur seriösen Bremse werden." (Roger Spautz, 1980).
Sans doute revendiquait-il par là sa spécificité et son indépendance par rapport à toutes les chapelles, fussent d'elles d'avant-garde ou autres. Le style personnel de René Mertzig touche véritablement à son apogée dans le 2e trio en la, écrit en 1955 (la partition manuscrite, copiée cette fois-ci de la main du compositeur, mentionne: Fin 6 octobre 1955). Le compositeur était alors âgé de 44 ans. Quitte à y retrouver des éléments qui nous sont désormais familiers: ostinati rythmiques dans les mouvements rapides, lyrisme (basculant souvent dans le tragique) du mouvement lent, hispanismes (p.ex. les incantations rauques du flamenco que l'on croit reconnaître dans le premier mouvement) - quitte, donc, à y retrouver ces éléments que nous connaissons de son aîné, le 2e trio est encore plus homogène, plus efficace que le premier. Avec le quatuor à cordes de 1961, il s'agit très certainement du sommet de l'art chambriste de René Mertzig. Et il n'est guère étonnant que ce soit une des œuvres luxembourgeoises les plus jouées.
René Mertzig a lui-même participé comme pianiste à la création de ses deux trios. Celle du premier fut assurée par le Trio luxembourgeois (Carlo Kaufhold, violon; Camille Beicht, violoncelle et René Mertzig, piano), celle du second par le trio Jean Audoli, violon; Sebastian Baer, violoncelle et René Mertzig, piano. Des enregistrements de ces deux oeuvres ont été réalisés par cette dernière formation, dont un (le trio en la) est disponible dans le commerce. Préparant une production avec les trios de René Mertzig, nous aurions été négligents et présomptueux de ne pas les prendre en compte. Si les standards anachroniques des techniques d'enregistrement d'antan à eux seuls justifient le présent enregistrement, le panache des interprétations de nos aînés force l'admiration. Et il est toujours intéressant de constater quelles licences les compositeurs prennent avec leurs propres oeuvres...
Nous sommes partis à la découverte des trios de René Mertzig et nous avons fait connaissance avec le riche univers artistique d'un musicien modeste et secret. Puisse cette production contribuer, à la veille du 100e anniversaire du compositeur, à mieux faire connaître ce pionnier de la vie musicale luxembourgeoise.
BIBLIOGRAPHIE
Léon Blasen Lëtzebuerger Komponisten Lëtzebuerger Stadmusek 1988,
Roger Spautz Rendez-vous mit René Mertzig in Lëtzebuerger Journal 1980 no. 186
Guy Wagner Luxemburger Komponisten heute Ed.PHI, Luxembourg, 1985
Loll Weber: "Mes oeuvres, c'est toute ma vie..." in: nos cahiers Lëtzebuerger Zäitschrëft fir Kultur, 1982/1)